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Par Anne Marie

« On est en attente d'amour inconditionnel quand on ne s'aime pas. » Tel est le verdict sans appel de Jacques Salomé. L'amour inconditionnel véhicule pourtant l'image d'un amour beau, idéal.
Demande d'amour infantile, l'amour inconditionnel n'a pas sa place dans la relation de couple adulte. Non seulement car il établit un rapport bancal entre les partenaires, mais aussi car il devient vite malsain pour les partenaires, autant concernant leurs responsabilités individuelles, que pour l'avenir du couple.
Un manque d'amour de soi
Bien sûr l'amour inconditionnel est consciemment voulu dans la relation de couple, car il fait preuve d'une réelle bonne volonté à faire fonctionner la relation. Il est devenu, dans le fantasme collectif, la relation d'amour idéal.
Malheureusement, ce terme galvaudé est surtout demeuré incompris. L'amour inconditionnel suppose une acceptation de l'autre sans limite. Or les limites sont nécessaires dans une relation intime. Ces limites sont d'ailleurs posées par le respect pour soi-même. Ainsi il serait malsain de continuer une relation maltraitante sous prétexte d'un amour sans limite pour l'autre.
Cet amour « sans limite » pour un autre n'est que l'expression d'un individu qui n'a aucun respect pour ses propres besoins, qui ne nourrit aucun amour pour lui-même. Et ce manque d'amour pour soi finit par lui faire accepter l'inacceptable, sous couvert du meilleur alibi du monde : l'amour pour un autre. Car il est plus facile et plus acceptable de se dire qu'on tolère ce que l'on ne devrait pas par amour pour un autre, plutôt que faire face à la réalité, c'est-à-dire que l'on continue la relation par manque d'amour de soi. Ce qui est dommage car en entretenant le leurre d'un amour, qui est réellement absent, on s'empêche d'avoir accès à la guérison, à une vie meilleure.
L'amour « sans limite » est donc une preuve d'un manque d'amour pour soi. Car l'amour pour un autre doit s'arrêter où commence l'irrespect pour soi-même, pour ses besoins fondamentaux.
Alors pourquoi les amoureux le clament haut et fort ? Car, malheureusement, ces amoureux sont encore dans le monde de l'infantile, ils cultivent encore l'illusion qu'un seul autre être peut être comblant concernant la satisfaction de tous ses besoins.
Car, soyons honnêtes, il n'est pas rare qu'on l'accorde à l'autre en espérant que cela sera réciproque. Ce qui va à l'encontre même de l'amour inconditionnel qui, lui, ne suppose aucune réciprocité.
L'amour inconditionnel suppose qu'il n'y ait aucune attente en retour. De plus, il interdit toute négociation quant à une quelconque satisfaction de ses propres besoins pour celui qui l'accorde à l'autre. Or le couple adulte est un rapport d'amour égoïste. Égoïste, dans le sens où chacun demeure responsable quant à la satisfaction de ses propres besoins.
L'amour inconditionnel : un rapport bancal à l'autre
Car c'est dans l'inégalité du rapport que prend place l'amour inconditionnel. L'acceptation d'un thérapeute pour son patient, d'un religieux pour ses suiveurs, etc. Mais le couple, pour qu'il demeure vivant et épanouissant doit, lui, se placer sur un pied d'égalité.
Avec l'amour inconditionnel, on assiste à la mise en place de rôles tels sauveur/ sauvé, basé sur des rapports de pouvoir. Car il empêche, comme le dit le psychologue Garneau, le sauvé d'accéder un jour à une véritable autonomie, une véritable indépendance. Le sauveur demeurant avec les clés de la satisfaction des besoins du sauvé.
On voit aussi surtout, lors de demandes d'amour inconditionnel, la mise en place d'un positionnement infantile vis-à-vis de l'autre. Celui-ci se retrouve en charge de la responsabilité de nourrir nos besoins. L'autre se doit d'être comblant.
Il n'est pas rare de voir apparaître ensuite dans ces couples, des revendications car chacun est devenu responsable des besoins de l'autre.
De plus, selon Garneau, en se positionnant dans ce type de rapport à l'autre, on se voit renoncer, peu à peu, à ses propres besoins, ses propres désirs, ses propres objectifs, et cela pour satisfaire les besoins de l'autre.
Alors on constate peu à peu une perte de vitalité, qui peut aller jusqu'à la dépression. Le couple n'est plus une entité de deux individualités mais un couple fusionné où frustrations et désillusions prendront place.
Comment sortir de là ? En renonçant à l'amour inconditionnel comme alibi pour exiger de l'autre la satisfaction de ses besoins. En prenant la responsabilité de ses propres besoins et d'un véritable respect de soi. En grandissant. En se plaçant, non pas dans un rapport fusionné, mais dans l'alliance de deux individualités qui demeureront ainsi et où chacun devra prendre en charge ses propres besoins et s'aventurer dans un « contact réel » avec l'autre.
Claude
jeu, 12/17/2015 - 01:09
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